Blank

Blank est un jeu très particulier. Pour la petite histoire, il est né parce que le GRAL voulait offrir un jeu à la copine Charlotte Fillonneau (autrice de El Capitan et Ouistitwist, entre autres) pour ses trente ans. Evidemment, on était pas en avance, et devant la difficulté de se cordonner, peu avant la date fatidique j’ai réalisé un petit jeu dont nous pourrions tous définir les règles ensemble lors de l’évènement, et qui resterait assez accessible et fun pour faire jouer sans problème les autres convives.

Sur le papier, le concept est très simple : il s’agit d’un « Uno Legacy ». La plupart des jeux Legacy sont actuellement des jeux assez lourds, avec pas mal d’ajouts de matériel pour faire évoluer le jeu. Ca faisait un bout de temps que je voulais faire un jeu Legacy qui serait destiné à la famille, et reposerait sur un coeur mécanique connu de tous afin de le rendre plus accessible, et surtout pour que les ajouts de règles gardent l’ensemble très digeste. Ici, l’inspiration mécanique centrale est évidente, il s’agit du Huit Américain, dont la version commercialisée la plus connue est le Uno. Le concept, c’est qu’à la fin de chaque partie, le vainqueur peut choisir soit d’ajouter une nouvelle règle au jeu, soit de personnaliser une des cartes du jeu (définir son nom, son effet, voire son illustration) de manière définitive : le joueur écrit/dessine sur la carte avec un crayon indélébile (ou un simple crayon bille).

Le jeu se joue avec trois règles à chaque partie, choisies aléatoirement parmi toutes les règles présentes dans le jeu – les 13 inclues de base dans la boite, plus celles que les joueurs auront créé au fil du temps. Cela signifie que le jeu deviendra simplement ce que vous en ferez : si vous l’utilisez surtout pour jouer avec vos enfants, il y a de bonnes chances que les règles ajoutées tournent autour des couleurs et des cris d’animaux ; si vous jouez avec des amis en soirées de beuveries, ça peut devenir un jeu à boire ; ou si vous jouez avec des joueurs passionnés, vous pouvez ajouter des points de victoire, des combinaisons d’effets, ou des règles alambiquées changeant la valeur des cartes de manière dynamique histoire de se faire fumer le cerveau… et puis bien sûr, vous pouvez faire les trois et tout autre chose, et séparer vos cartes en « sets » que vous utilisez selon le public autour de la table.

Evidement le concept peut diviser : les plus réducteurs n’y verront qu’un Uno avec des cartes vierges. Moi même, je suis bien conscient que de fait je délègue une partie de mon travail au joueur lui même. Il fut assez amusant de lire les premières critiques des reviewers anglophones ; certains sont extrêmement enthousiastes sur l’ouverture du principe, les autres sont désarmés de devoir « juger » un jeu qui sera à moitié construit par le joueur, et qui peut donc devenir bon ou mauvais selon que vous ajoutez de bonnes ou mauvaises règles. Il faut toutefois noter que la moitié du livret de règles est consacré à quelques astuces et exemples pour créer de nouveaux effets de jeu, on ne lâche pas le joueur dans le vide. Et puis, si à l’usage une règle parait vraiment pénible, on fait comme dans tout bon jeu Legacy : on déchire la carte (doux sacrilège !).

Blank fut aussi l’occasion de travailler avec un éditeur adorable et compétent, Creativity Hub. J’ai tous les Story Cubes réunis dans une énorme bourse dans mes étagères, autant dire que j’étais très content de publier un jeu chez eux. Le jeu a, je pense, réellement trouvé son foyer chez Rory : dans Blank, le joueur est clairement créateur de son expérience de jeu.

Illustrations & design : Rob Dalton, Winnie Shek
2-6 joueurs, 6 ans et +, 10-15mn