Freak Shop est un « petit » jeu de cartes coloré et astucieux. « Petit » est à prendre avec des pincettes pour plusieurs raisons : la première, à mon sens, tient à la qualité du travail éditorial réalisé par Catch’Up Games. Pour une quinzaine d’euros, la magnifique boite contient 66 cartes, 12 tuiles objectifs épaisses ainsi qu’un bloc pour noter les scores en fin de partie. Cette débauche de matériel ne m’aurait pas choqué chez un éditeur plus gros, mais chez un « petit » éditeur comme Catch’Up, je trouve que c’est un espèce d’exploit. Bravo à eux, donc. Ajoutez à cela le fait qu’il est illustré par une pointure de l’illustration du jeu de société, Miguel Coimbra, et là ça force le respect.
Mécaniquement, oui, Freak Shop est un « petit » jeu de cartes, un « filler » comme on dit dans les milieux concernés : ce type de jeu court mais malin auquel des joueurs passionnés peuvent jouer au petit dej entre deux gros jeux, en y trouvant malgré tout quelque chose à se mettre sous la dent. Le jeu repose sur une mécanique d’échange de cartes avec un pool central ; le prototype se nommait à l’origine Kalim Bazar, et proposait de jouer dans un marché oriental. Même si (évidement) ça fonctionnait, le thème a été revu pour tenter une approche plus originale que ce qu’on retrouve habituellement autour de ce type de système (comme les marchés orientaux, par exemple^^). Ici, chaque joueur incarne le propriétaire d’un manoir hanté à la sauce Famille Adams, qui va tâcher de dégoter les accessoires et le personnel les plus horrifiques pour son intérieur à l’approche de la saison touristique. Nous avons cherché le moyen de mettre quelque part dans le jeu des scouts innocents frappant à la porte de la maison des horreurs, mais ça n’a pas été évident : cette petite tête effrayée qui symbolise les points de victoire, c’est eux. Voilà.
A son tour, un joueur va donc devoir échanger des cartes qu’il possède avec des cartes de la Boutique (5 cartes ou plus étalées en bazar au centre de la table). Il peut soit faire une Bonne Affaire (échanger un certain nombre de carte identiques contre le même nombre de cartes identiques du marché), soit échanger au Juste Prix (échanger n’importe quelles cartes de son manoir avec n’importe quelles cartes de la Boutique, tant que cet échange se fait à somme égale). Les cartes échangées retournent donc au centre de la table, et seront donc disponibles à l’échange pour les autres joueurs… ce qui peut donner lieu à des choix cornéliens.
Sur cette base très simple viennent se greffer trois tuiles objectifs, qui indiquent quelles combinaisons de cartes il faudra posséder en fin de partie pour marquer des points (des paires, des suites, des cartes différentes, etc.). Le truc, c’est qu’il y a douze tuiles différents réparties en trois groupes, et qu’on en choisit une de chaque groupe à chaque partie, ce qui donne au jeu une solide rejouabilité. J’avais développé un système d’objectifs modulables dans la première version du prototype, mais je l’avais par la suite abandonné pour ne garder qu’une combinaison de quelques uns que je trouvais intéressants. Ce sont les gars de Catch’Up Games qui ont voulu qu’on reparte dans cette direction, ce qui a demandé un certain travail d’équilibrage, auquel ils ont grandement pris part – au final ils ont eu raison d’insister, c’est un vrai plus pour le jeu.
La cerise, en ce qui me concerne, c’est que j’ai pu travailler sur l’habillage graphique du jeu en déclinant les bases posées par Miguel sur les cartes. Faire le layout autour d’illustrations pareilles, c’était du bonheur.
Illustrations : Miguel Coimbra
2-5 joueurs, 8 ans et +, 20mn